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Taux bas : quelles solutions pour les assureurs ?

le monde des assureurs: un monde de contraintes

Une première contrainte est celle de la sécurité/rentabilité vis-à-vis des assurés :

  1. i) Contrainte des fonds euros à capital garanti à tout moment : garantie de capital et liquidité sont déterminants dans l’allocation d’actifs. A cet égard, nous avons constitué sur la base d’un échantillon, parmi les plus grands assureurs vie en France, un portefeuille synthétique d’actifs qui externalise parfaitement ces fondements : la part obligataire dont le rating est AAA ou AA est supérieure à 50% (principalement en Govies) et la maturité contractuelle est nettement supérieure à 5 ans.
  2. ii) Diminution des taux de rendement de l’actif : les obligations avec des taux de rendement élevés sont arrivés à échéance et sont réinvestis avec des taux très inférieurs à ceux des rendements des portefeuilles historiques. A cet égard en assurance vie, les assureurs doivent avoir une vision claire de l’élasticité rendement/rachats (en vision « pure » et relative – concurrence –) de leurs clients pour anticiper les comportements et prendre des décisions de pilotage éclairées et précises.

La seconde contrainte concerne la contrainte réglementaire Solvabilité II :

En effet, celle-ci (dans sa formule standard) incite significativement à acheter des obligations de l’UE qui sont aujourd’hui à rendement nul ou négatif. Les placements en actions, les actifs non- liquides, les actifs en devises étrangères sont « imposés » en capital de manière excessive. L’impact de taux bas est également particulièrement significatif sur les passifs d’assurance.

La troisième contrainte (à venir) concerne les nouvelles normes IFRS :

  1. i) Concernant IFRS 9 « Instruments financiers » : les instruments financiers qui ne répondent pas à la définition d’un instrument de dette basique « SPPI » et le classement en JV par résultat pour les actions (non éligibles à l’option JVOCI sans recyclage), avec un choix entre stabilité du résultat ou performance/rendement global attendu peut se révéler pénalisant en environnement de taux bas.
  2. ii) Concernant IFRS 17, la norme pénalise clairement les contrats longs (type épargne ou prévoyance par exemple), particulièrement en environnement de taux bas. Enfin, les nouvelles exigences en termes de RSE / ESG dans le choix des placements réduisent encore le spectre du choix d’actifs ; d’autant plus sur les actifs à liquidité faible pour lesquels l’offre est restreinte.

Que faire dans cet environnement actuel ?

Concernant les passifs d’assurance, l’évolution des contrats est nécessaire:

  1. i) Continuer à baisser les taux des fonds euros semble indispensable.
  2. ii) La hausse de la souscription de contrats/parts UC avec des seuils minimaux (à l’instar d’Allianz et Generali entre autres) est à étendre et à renforcer.

iii) En assurance non-vie, il semble nécessaire de finaliser les redressements techniques des contrats pour (re) trouver de la marge sur les passifs d’assurance.

  1. iv) Enfin, la réorientation du business d’assurance vers des produits d’épargne tel que l’Eurocroissance, des activités de services, santé au particulier (stratégie AXA notamment) et IARD est à réaliser d’urgence pour rééquilibrer le mix produit quand nécessaire. Evidemment, ces leviers sont à moduler suivant son propre passif, ses clients et ses réseaux de distribution.

Concernant les actifs d’assurance,l’évolution des stratégies d’allocation du portefeuille d’investissement, parfois déjà engagée, est inévitable :

  1. i) Une analyse approfondie de l’allocation au sein de la poche obligataire (duration, répartition Govies / Corporate, segmentation au sein des Corporates) est nécessaire. Reproduire les comportements passés en termes d’investissement (des renouvellements obligataires et des nouveaux flux d’assurance) tel qu’externalisé par notre portefeuille synthétique semble impossible ou pour le moins déraisonnable compte tenu des courbes de taux. Il semble notamment nécessaire d’appréhender différemment le risque des instruments notés BBB qui concerne de plus en plus de titres obligataires et à titre d’exemple plus de 40% des émetteurs issus du CAC 40.
  1. ii) Une évolution des comportements d’investissement dans des zones

géographiques différentes. A titre d’exemples :

  1. Le gouvernement mexicain émet à 7 ans (émission en devise US) avec un taux légèrement supérieur à 7 %.
  2. L’Etat US émet aujourd’hui à 10 ans à environ 1,80 %. Moins bien loti par le régime Solvabilité 2 (versus les Govies de l’UE) et donc soumis à une exigence de capital, ce type d’obligation dégage in fine un ratio Rendement/SCR supérieur à 5% (versus 0%).

iii) Une revue de la diversification des actifs avec une réorientation des politiques d’investissement vers des placements plus rémunérateurs et parfois moins liquides (obligations privées, actions, immobilier, private equity) doit être menée.

  1. iv) Un développement des stratégies de couverture pour piloter les risques et respecter le cadre des limites des risques (risque de défaut de l’émetteur en fonction de sa notation de crédit, risque de change, risque de taux) doit être initié ou renforcé. Enfin, d’une manière générale, le temps d’un pilotage global (pour cause de marge confortable et « facile ») semblant révolu, les acteurs de l’assurance doivent désormais gérer leur business model tel que le monde industriel gère le leur. Une vision des coûts et des marges plus fines avec de vrais programmes de productivité n’est plus un luxe et les directions de pilotage / contrôle de gestion doivent évoluer rapidement pour effectivement aider à piloter (et pas conduire) et contrôler (et pas reporter) de manière effective la gestion de l’entreprise.

En conclusion, il nous semble indispensable d’accélérer sur tous ces chantiers à mener de front et à prioriser en fonction de sa propre situation. L’urgence est réelle pour certains acteurs et c’est toute l’industrie de l’assurance qui doit prendre le virage de ce nouveau paradigme. Enfin, un effort massif et rapide de lobbying est à porter sur la révision de Solvabilité II qui se révèle trop pénalisant à l’égard de certaines classes d’actifs et extrêmement volatile à court terme, même si cet effort ne portera pas malheureusement ses fruits rapidement.

Vincent Vallée